Cogner. Cogner. Cogner à s'en faire mal aux mains, aux doigts, aux bras, au coeur. Le plus ironique, c'est que cet imbécile, je le cognais dans le quartier où vivait la femme que j'amais. C'est une vie pleine d'ironie décidément. Ceux d'Oxford ne se laissaient pas facilement entraîner dans la bagarre, et je crois que je comprends pourquoi. Son visage frêle et anguleux s'était affaibli, et craquait sous la moindre pression sous son visage. Il ne voyait pas mes traits, mais avec le lampadaire allumé derrière moi, je le voyais. Je voyais ses yeux à la recherche d'un espoir auquel s'accrocher, son souffle devenir erratique, suppliant, comme en train de disparaître. J'aurais pu avoir pitié mais je ne ressens rien. Il m'a manqué de respect. Pourquoi faut-il qu'on me manque de respect ? Serais-ce un sport national, dans ce quartier ? Je sentais ses larmes se mêler à son sang, entre mes doigts, et je sentais mes larmes aussi. De rage, de haine, de chagrin, de désespoir. Toutes ces émotions qui se confondent, se mélangent, se battent en moi comme je me bat avec cet inconnu. Je voudrais pouvoir l'enlacer, lui expliquer que dans le fond, ce n'est pas vraiment contre lui, que je me battais, mais il était déjà trop tard. Il cracha un flot de sang, et mon coup se fit plus doux que les autres fois, et au moment de reprendre, ma main resta figée en l'air, hésitante. Il était si faible. Je ne pouvais pas continuer. Je relâchais ma prise, calmement.

Une pensée vers Zooey s'envola vers les ténèbres. Où était-elle, parmi ces maisons, ces appartements, ces jardins ? Savait-elle que j'étais ici ? Mon coeur se serra, et l'espoir me parcouru. Peut-être que je pourrais l'entr'apercevoir entre deux fenêtres.... Je me tournais vers ma victime, un peu gêné de mes gestes.

« Euh... Excuse moi... Je crois qu'on est allés un peu loin... Je suis désolé... Tu veux que j... »

Mais mes paroles ne trouvèrent jamais de suite, quand il profita de mon inattention pour se mettre à hurler, le plus fort possible, faisant vibrer mes tympans, au point que je me força à plisser le nez et me boucher les oreilles. Ma main, en reflexe, parti couvrir sa bouche et je m'approchai rapidement vers lui, les sourcils froncés.

« Hé, calme toi, je t'ai dit que... »

Mais il était déjà trop tard. Un bruit me brusqua. Et bientôt, une sirène se mit à retentir. Merde...

Tu as entendu ces cris ? Non mais, je te jure, Oxford vu le prix qu'on paye, la police devrait au moins faire son travail. Zooey était en train de boire un verre chez l'une de ses voisines, pas vraiment le genre de filles qu'elle apprécie ordinairement, mais cette fois-ci elle s'était un peu forcée en acceptant leur invitation. Cela faisait plus de trois heures, que les trois jeunes femmes parlaient de tout et de rien, la plupart du temps Zooey se contentait de hocher la tête, puisqu'elle ne partageait pas vraiment la même vision de la vie que ces deux voisines. Ces cris l'avait surprise elle-aussi, ce n'était pas fréquent dans les rues d'Oxford, surtout que le département de police se trouvait à quelques enjambées de là. Puis Oxford n'abritait pas le genre de personnes aimant la bagarre, et n'attirait pas non plus les voyous parce qu'il était connu de tous que la sécurité par ici, elle rigolait pas. Zooey suivit ses deux camarades sur la balcon, plusieurs autres personnes avaient eu cette idée - un peu d'action à Oxford et les voilà tous sur leur balcon, pathétique - Elle resta plusieurs minutes à essayer de dévisager les silhouettes, tout ce qu'elle pouvait dire c'est que c'était deux jeunes garçons, dont l'un venait probablement du quartier, alors que l'autre...« Milo...» Aucune idée, si c'était son cerveau ou ses jambes qui la commandait mais ce qui est sûre, c'est qu'elle n'avait jamais descendu autant de marches en si peu de temps. Alors qu'elle pouvait entendre la sirène de police approcher, Zooey piqua un sprint - que ces chaussures Jimmy Choo ne lui pardonnerait jamais - et arriva aux côtés de Milo en moins d'une minute « Avant de protester, réfléchis aux choix qui s'offrent à toi, là maintenant !» Pour avoir assez longtemps fréquenté Milo, Zooey savait qu'il était assez têtu et encore rancunier de la façon dont ils s'étaient séparés. Zooey s'en savait unique responsable et s'en voulait toujours autant. La façon dont elle venait de réagir face à cette situation, prouvait qu'elle nourrissait encore de puissants sentiments pour lui...Elle l'aida à se relever et si elle pu sentir une résistance pendant quelques secondes, l'approche des sirènes le décida.

La chance était de leur côté en quelque sorte, puisque l'ascenseur fonctionnait. Ils arrivèrent au quatrième étage et Zooey chercha ses clés pendant quelques secondes, elle reconnut la silhouette d'une de ses voisines sur le seuil d'à côté. « Si la police demande un nom, donnez celui de mon père, Monsieur Richard Prescott.» Elle ouvrit finalement la porte et laissa entrer Milo avant d'adresser un sourire forcé à sa voisine et puis elle referma. Elle poussa un long soupir. Si cette idiote donnait véritablement le nom de son père, elle allait encore avoir le droit à un beau sermon de la famille Prescott. Elle désigna l'un des canapés à Milo et se précipita dans la salle de bains, direction l'armoire à pharmacie. « Milo ? Pense-tu que tu auras besoin de points de suture ? » Si elle n'avait été loin dans les études, Zooey avait au moins occuper son temps libre, en passant quelques diplômes tel que celui des premiers secours...